Autour des alliances dans le transport maritime de lignes régulières, l’analyse des chargeurs s’oppose à celle des armateurs. Chacune des parties défend des positions légitimes sur fond d’enjeux stratégiques, opérationnels voire géopolitiques : dessertes portuaires, souveraineté et compétitivité économiques, qualité de service, rentabilité…

Coup d’envoi du Maritime Day organisé lors du SITL, la conférence consacrée au transport maritime de lignes régulières a confirmé les divergences de vue sur les alliances et leurs conséquences entre chargeurs et armateurs. Par la voix de Philippe Bonnevie, les premiers s’inquiètent de « la concentration et de l’évolution oligopolistique du marché autour de trois grandes alliances* ». Selon le délégué général de l’AUTF, les positions commerciales de certaines frôlent le monopole à l’image de « P3 sur le nord de la Chine avec une part de marché de 80 % ».

« Les chargeurs ne sont pas responsables de la surcapacité »

invitant l’Europe dans son règlement Consortia à s’inspirer « des garde-fous » associés au feu vert délivré à cette alliance par la Federal Maritime Commission, Philippe Bonnevie rappelle que « les chargeurs ne sont pas responsables de la surcapacité et des difficultés financières induites pour les armements ». Car c’est au motif de compenser cette surcapacité et d’optimiser leurs coûts opérationnels que ces derniers justifient la création des alliances. « La compétitivité du transport maritime a permis et facilité la mondialisation. Aujourd’hui, les chargeurs ne raisonnent qu’en termes de prix. Il n’est donc pas étonnant que les compagnies s’organisent et créent des alliances », selon Raymond Vidil. Pour le président d’Armateurs de France, les investissements réalisés dans la flotte servent également les intérêts et la compétitivité des chargeurs en diminuant le coût à la boîte transportée. 

Services directs ou transbordements ? 

Au-delà, Raymond Vidil évoque la bataille géopolitique qui se joue sur les mers à travers les alliances. « Si les États-Unis et le Canada semblent abandonner la maîtrise de leurs flux maritimes, l’Europe ne doit pas suivre cette stratégie ». À l’heure où la tendance est à la réduction du nombre de ports touchés par les alliances, le maintien d’une offre maritime compétitive en Europe croise aussi les intérêts de ses ports. Le président d’Armateurs de France invite d’ailleurs les ports français, du Havre et de Fos en particulier, « à profiter de cette redistribution des cartes pour se repositionner ».  Un vœu partagé par les chargeurs français dont Frédéric Chabasse. « À quoi servent des taux de fret compétitifs si les nouvelles organisations maritimes imposent des coûts logistiques, de douane, de stockage et de pré et post acheminements supérieurs. Pour nos produits frais, par exemple, il est essentiel d’utiliser des services directs sans transbordement », déclare le responsable des achats maritimes du fabricant de levures Lesaffre. 

Qualité de service 

Avec le jeu des alliances, Frédéric Chabasse craint une réduction de l’offre et des fréquences. « Elle est déjà perceptible et pose un problème en nous obligeant parfois à regrouper nos envois sur un même navire. Elle s’accompagne en outre d’une dégradation du service en termes de suivi des expéditions, de facturation et de validation des opérations ». Un avis partagé par Philippe Bonnevie, qui interpelle les membres de chaque alliance afin qu’ils précisent, par exemple, les nouvelles organisations et prestations proposés pour le transport de matières dangereuses. source : l’Antenne